L'Europe, en bas et à gauche.


C’est au Portugal qu’on va.
Pour te le situer, le Portugal c'est en bas à gauche de l'Europe…


En un mois il se passe plein de choses. Plein d’anecdotes, plein de petites aventures pas toujours agréables sur le moment, mais toujours croustillantes avec le recul. 


Alors ce récit prend le temps de développer tout ça, et de digresser sur des sujets futiles ou pas, mais directement inspirés par ce voyage.

Il va donc te falloir, ami lecteur, du temps : si tu pensais te taper ça vite fait pendant que ton chef regarde ailleurs, c’est râpé.
 Les photos ne sont pas toutes de moi parce que tu as plein de bons photographes qui ont la patience d'attendre des heures pour faire une belle photo, sans personne dessus, avec le bon angle et le bon objectif et la belle lumière qui fait joli… 
En plus ils ne mollissent pas sur la retouche, tu remarqueras...
Donc installe-toi confortablement, prends à boire et à manger,  c’est pas du reportage, c’est pas du guide touristique, c’est pas un sms, c’est pas un commentaire face de bouc, c’est un récit.
Et si tu ne lis pas tout, je viens faire une soirée diapos chez toi : de 18h à 3h du mat.

Si tu aimes les 4x4 qui grognent dans la dune, ce récit n’est pas pour toi.

Si tu aimes les 4x4 qui foncent sur la piste, ce récit n’est pas pour toi.


Si tu aimes les 4x4 qui mangent du caillou, ce récit n'est pas pour toi.
Si tu es pervers et que tu aimes voir des images de dromadaires à poils, ce récit n’est pas pour toi.


Si tu aimes les 4x4 bien plantés dans le sable, ce récit est pour toi.

Si tu es pervers et que tu aimes les camping cars bien plantés aussi dans le sable, ce récit est pour toi.

Si tu aimes les récits bien lisses et bien polis, ce récit n’est pas pour toi.



Si tu aimes que ça dérape un peu dans tous les sens, ce récit est pour toi.





Donc, pourquoi le Portugal ?


Fin septembre, il y fait assez chaud, et le flot estival de touristes a dû cesser. D’habitude on part pour des endroits plus exotiques, pour vivre l’aventure à se planter dans le sable ou à franchir de gros cailloux. 
Là, c’est juste le Portugal,  pour voir de près à quoi ça ressemble.
Visiter quoi. 
Pas de sable et pas de gros cailloux, parce qu’on fait le voyage avec Jean Luc et Dolorès, Jl et Dolo pour faire plus court, Doudou et Poupette pour faire plus vrai. 
Ils ont un camping-car, un vrai, pas une boite pliable comme la notre. 
Pas le genre de véhicule que tu mets dans le sable ou dans les cailloux. Quoique…






Leur CC n’est pas trop gros, et pourvu de quatre places en carré, ce qui est la condition indispensable à la réussite d’une soirée coinche. 
La soirée coinche, pour les non initiés, c’est le moment fabuleux pendant lequel on tient des cartes en main, pendant lequel on calcule les points qu’on va faire pour enterrer l’équipe adverse à la belote, qui est donc, dans cette configuration, la belote coinchée. 
C’est un passe temps comme un autre, qui ne nécessite ni télé ni internet.
Mais qui est lui aussi un nid de fakes news puisque le fin du fin consiste à faire croire à l’équipe adverse qu’elle peut te tôler, à la mettre en situation de prendre un risque inconsidéré, et ensuite de la coincher, ce qui veut dire :
- "Na na na tes points tu vas pas les faire et c’est nous qui allons engranger !" 

La soirée coinche doit être précédée d’un apéro tranquille et d’un repas léger, arrosé au minimum d'une bonne bouteille pour 4 personnes.
Les sens sont alors préparés à la joute, à l’esbrouffe, à la comédie du mauvais jeu, à la coupe tragique mais modeste, à la capote sanglante ; et là pas de mélange des genres : lorsqu’une équipe ne fait aucun pli dans la partie, elle est capot, d’où le terme "capote" qui, je l’avoue, suivie de l’adjectif "sanglante", était équivoque… 
C'est mon humour, trop tard pour changer…

C'est parti, le temps bien moyen et la pluie annoncée feront que le parcours de liaison prévu en 4 jours se fera finalement en seulement deux : puisqu’il pleut, autant rouler…


DIMANCHE 22 SEPTEMBRE
 Traversée de la France Est Ouest jusqu’à San Sébastian où l’on arrive de nuit, avec un point gps comme destination : c’est le parking d’un parc au dessus de la ville. 
Et là, un gag : une  barrière nous empêche de continuer la route prévue, tandis que nos équipiers ont le bon gps qui les amène bien sur le point. 
Après plus de 700 km de route on tourne donc en rond une bonne demi-heure avant de grimper un toboggan improbable qui nous débarque au bon endroit. 
Tellement content d’être arrivé je néglige d’aller faire le tour des environs. 
C’est pour ça qu’on a dormi pas trop à plat, juste à côté des poubelles dont c’est évidemment le jour de ramassage -2h du mat quand même- avec la circulation nocturne propre aux endroits discrets – je te fais un dessin ? - 

Alors que 100 m plus loin il y avait le bon vrai spot tranquille, plat, et sous les arbres…
Faut reprendre les bonnes habitudes, première leçon.

LUNDI 23 SEPTEMBRE

Au matin petit tour dans le parc, puis petite visite express de San Sébastian. Temps gris, lampadaires et  gardes corps tarabiscotés, plage et  bâtiments bien datés, San Sébastian ressemble à ces villes typées "belle époque", mais son charme, un peu suranné,  réside dans le fait que la ville ne semble pas cultiver ni tenter de magnifier tout ça. 
On est dans l’authentique, le fragile, le désuet. 
J’aime.




Allez encore un peu plus de 7OO  bornes.


Ce sont désormais des autoroutes espagnoles, certes gratuites, mais en état plus que moyen à certains endroits, au point d’être obligé de rouler à cheval sur le bas côté pour éviter les trous de la bande de roulement…
On navigue vers Burgos, on traverse la région qui s’appelle Castille et Léon, et c’est franchement pas excitant. 
Pas à ce point, mais presque…

Les stations de carburants sont disposées aléatoirement dans les villages bordant  l’autoroute, et on finit par  se retrouver dans un bled désert, pas un pékin pas un commerce, juste planté au milieu de nulle part, qui fait grandement penser au Maroc. 
On dégote une station service, on paye un plein à un tarif lunaire, et on retourne sur l’autoroute où, tu l’auras deviné, une station service proprette et pas chère n’attendait que nous…

Nous débarquons tard à Porto Quintela, qui n’existe que par la grâce des gps puisqu’aucune pancarte n’indique le bled avant celle de l’entrée. Là on va bivouaquer sur le super point gps en bord de lac et, effectivement c’est en bord de lac. 
Du moins ce qu’il en reste vu que l’eau est loin derrière une étendue marécageuse assez navrante. 
Bon, on est là pour se reposer, pas pour prendre des photos, mais quand même, chaque fois qu’on va au bord d’un lac avec ces gens, le truc se retrouve brumeux et sous la flotte… 
On avait déjà tenté la haute Ardèche avec eux et le joli lac de Coucouron s’était transformé en Loch Ness…





MARDI 24 SEPTEMBRE
Aujourd'hui nous entrerons au Portugal, par le nord. Voici ce qui nous attend, pour que tu puisses suivre un peu :
Au réveil il ne pleut plus, mais la nuit a parait-il été copieusement arrosée, ce que nous n’avons absolument pas remarqué, et ça fait des jaloux parmi ceux qui n’ont pas dormi…
Se trouvent dans le coin des piscines romaines qui, vu le temps et la température, nous intéressent moyennement. Pour se dégourdir les jambes on décide quand même d’aller voir un peu l’endroit. 
On tombe sur un ancien camp romain, dans lequel les légionnaires blessés venaient se refaire une santé.
Et puis, un peu plus loin, des gens en maillot de bain et d’autres à poil qui macèrent dans l’eau. 
Un plan se profile : c’est de la vraie source thermale ! Tu veux pas trop chaud ? J’ai. Un peu plus chaud ? J’ai aussi. Tu veux carrément faire le homard ? Tu peux aussi ! Il y a même les baignoires individuelles dont tu peux réguler la température en bouchant plus ou moins le débit d’eau chaude ! 
Tout ça date de 2000 ans n’oublions pas, est en pleine nature et ouvert à tout le monde.
On infuse une bonne heure, et la journée commence donc carrément bien. 
On entre ensuite au Portugal par de petits villages à cheval sur la frontière et les opérateurs de téléphone nous signalent qu’on est au Portugal, puis en Espagne, puis de nouveau au Portugal, puis etc etc… 
"Casse croûte à Castro Laborio", c’est pas le titre d’un San Antonio, c’est là qu’on déguste notre première bacahlau.  
Vient ensuite Peneda.
Peneda c’est le bled de chez bled, perdu dans la montagne et là, là, il y a un sanctuaire. Un sanctuaire c’est un édifice religieux dédié à un saint ou une sainte. 
Le Portugais, question édifice, il aime le sucré. 
Et à Peneda, la sainte a dû être particulièrement efficiente parce qu’il y a le chemin de croix avec toutes les étapes, chacune dans sa petite chapelle avec tous les personnages grandeur nature qui jouent très bien les méchants, les gentils, les soldats, les brigands et tous les petits rôles de l’histoire. 
Tout ça monte avec de larges escaliers bien taillés dans la pierre massive, jusqu’à, comment dire, un délire d’escaliers, de perrons, de rambardes et autres statues qui t’amènent au sanctuaire. Lui-même assez grand pour contenir toutes les maisons du village. 
La foi c’est la foi…







Le village de Soajo fait lui dans la modestie paysanne, avec ses greniers en pierre astucieusement installés à l’abri des rongeurs et autres prédateurs de pauvres.



On finit la journée dans un camping près de Ponte de Lima. C’est quasi désert, calme et au bord d’un lac, mais le temps ne se prête toujours pas à la trempette.

MERCREDI 25 OCTOBRE
Ponte de Lima c’est de la petite ville tranquille, traversée par le Lima, qui est un fleuve assez grand pour faire de belles photos, et assez impressionnant pour que les légionnaires romains se soient sentis mous du genou lorsqu’il fallut le traverser. 
Parce que ces romains, d’une naïveté confondante, croyaient que le Lima était le fleuve de l’oubli et que ceux qui le traversaient oubliaient leur passé ! Naïfs ces romains, vraiment, un peu comme si aujourd’hui des gens jouaient au loto en croyant qu’ils vont gagner… pfff…
Bon, le commandant n'a pas molli, il a traversé le Lima et ensuite appelé chaque légionnaire par son prénom pour bien montrer qu’il se souvenait de tous ! 
Belle histoire non ? Alors on a installé d’un côté du fleuve les légionnaires et de l’autre le commandant sur son cheval. 


Le rio Lima se dandine entre de grandes berges ombragées semées de plages et se heurte parfois à de bon gros rochers qui jouent à le transformer en torrent. Et une Ecovia cycliste permet de savourer le paysage.

En regardant la carte on avait visé un pont permettant de faire l’aller sur une rive et le retour sur l’autre, mais le pont tardant à venir nos cyclistes femelles commençaient à trouver le temps long. Et puis le pont nous est apparu, mais il ressemblait vraiment beaucoup à un pont  d’autoroute… pas bien... 
On a quand même tenté l’ascension de l’ouvrage, qui s’est avéré praticable en vélo et donc retour comme prévu par l’autre côté, encore plus beau que l’aller. Et comestible...

Belle sortie de 40 km, retour un peu tardif, donc bivouac improvisé au départ de la balade : pas terrible. 

JEUDI 26
Hop, direction Braga. C’est déjà de la grosse ville, on y trouve toutes les commodités de la vraie vie moderne, et donc, un magasin décathlon, bien venu parce qu’il  faut des plaquettes de frein pour le vélo. Bingo, merci la modernité… 
Nous voici donc prêts à visiter.

Le guide du routard raconte qu’il faut absolument aller manger la spécialité du pays dans tel restaurant. Non seulement le resto joue à nous échapper pendant une bonne demi-heure de tours et détours, mais la "spécialité", euh… spéciale… on pouvait éviter…
Le conseil municipal de Braga a voté l’installation du nom de la ville en grandes lettres sur une place assez jolie, et le touriste moyen ne peut évidemment pas échapper aux photos… touristiques…





A noter que nous avons retrouvé la formule dans d'autres villes, etje suis près à parier gros que dans 5 ans le moindre trou perdu aura aussi son nom en grosses lettres… 
Comment s'appelle ce phénomène déjà ? 
Ah oui ! Le manque d'imagination...
Note qu'à Saint-Remy-en Bouzemont-Saint-Genest-et-Ison il va falloir agrandir la place du village...
Il y aussi à Braga une fontaine assez spectaculaire qui vaporise si bien que la photo touristique devant prend des allures d’œuvre d’art. Ou presque.

A Braga se trouve aussi le sanctuaire de Bom Jésus, pas la peine que je traduise n'est-ce pas…
On y accède à pied  si l'on est un vrai croyant…

 
… ouais, quand même…
...ou en funiculaire, d'époque, si l'on est un vrai touriste...


Petite note sur ce funiculaire qui est assez génial. 
En haut il y a une source, et un génie a pensé à installer un réservoir d'eau dans chaque wagon. On remplit le réservoir de celui du haut, tandis qu'on vide celui du bas et… le plus lourd descend alors… 
Arrivé en haut c'est de la grosse sucrerie religieuse…

… avec parc grandiose en prime et grotte entièrement pas naturelle…


Après ça, une nainerie.  
La nainerie est un terme gentillet pour désigner ce qu’un marseillais nommerait une Grooossse Kooonerie… 
On s’excite tous pendant un grand moment pour trouver un  bivouac sympa ou un camping bien noté, les téléphones chauffent  sans résultat... pour s’apercevoir finalement qu’il est prévu d’aller au camping municipal...
....qui se trouve à exactement 400m de l'endroit où nous poireautons... Nainerie donc...

Petit aparté sur la préparation de ce voyage : j’ai listé ce qu’il ne fallait pas manquer, listé des points de bivouac sympa en rôdant sur internet -parce que tu verras plus loin que le bivouac improvisé avec un vrai CC, ça demande de l'expérience-, un camping tous les trois jours environ pour recharger les batteries des vélos électriques, prendre de la grosse douche à gaspiller de l’eau, laver un peu de linge et vider le vécé.


Petit aparté sur les campings : on y recherche donc les commodités et une éventuelle tranquillité, mais pas prioritairement la vue du super spot au coucher de soleil. 

VENDREDI 27
Aujourd’hui c’est la ville de Guimaraes. On est là dans le Portugal ancien, et l’époque était aux querelles de pouvoir et de châteaux. Donc Guimaraes possède un château, à usage défensif, bien pensé pour décourager les éventuels assaillants : on plante la cabane en haut d’un rocher, on construit des murs très hauts avec un chemin de ronde pour jeter des choses désagréables sur ceux qui veulent monter, et comme on imagine que les gars risquent quand même de franchir cette enceinte, on installe au milieu un donjon, dont la  seule entrée est un pont-levis, avec encore plein d’endroits pour verser de l’huile bouillante sur les visiteurs indésirables. Mâchicoulis en français.
 Pas envie d'entrer, hein…



De nos jours, ça se visite…



A côté du château, la vieille ville, bien conservée…



...et bien touristique. 
Le côté touristique se mesure au fait qu’on peut y bouffer à peu près n’importe quoi n’importe quand, et qu’on peut y acheter des objets absolument trouvables partout dans le monde… genre panda en peluche ou coque de téléphone... 
Et qu’on y voit des tas de gens se pommader l’égo en se photographiant devant un truc qu’ils ont trouvé beau et que leur seule présence gâche irrémédiablement…
Un peu d'humour, étonnant dans ce Portugal si pieu…



Et si traditionnaliste.



L’après midi était prévue un sortie vtt facile dans une forêt d’eucalyptus, mais le fait de traverser le quartier le plus miséreux et le plus pourri d’une ville dont le nom contient "familicao" mais qui ressemble vraiment trop à la jungle de Calais, nous a fait renoncer à l’activité sportive du jour… Ouais, face cachée...

On embraye donc au campismo Salgueiros à Villa Nova de Gaia, qui a l’immense avantage d’être à portée de bus de Porto.
Villa Nova de Gaia est une station balnéaire, et possède en tant que telle une jolie plage de sable semée de gros rochers très photogéniques. 
Et comme nous retrouvons la mer à cette occasion, on va se faire un apéro de touristes, entre sable et rochers, avec les anoraks, parce que la mer c’est quand même l’océan et que l’océan fin septembre, c’est pas les thermes romains d’Aquis Querquemis, suivez un peu quoi, c’est là qu’on avait joué les homards et que j’avais oublié de vous dire le nom du coin !





SAMEDI 28 OCTOBRE


Porto. C’est sur l’embouchure du Douro. Et les habitants de Porto avaient besoin de passer d’un côté à l’autre du fleuve, alors ils ont construit un pont. Tout en fer, et très haut.


 C’est  pratique, c’est beau, et ça offre des vues magnifiques sur la ville. 





Pour arriver à Porto on a donc pris le bus, comme prévu dans le plan. 
Ce qui n’était pas prévu c’est que chauffeur soit hargneux et qu’il faille ensuite se résoudre à prendre un tour opérateur pour visiter la boutique en une seule journée. 
On se retrouve donc dans un bus à impériale avec des écouteurs plantés dans les oreilles alors que d’habitude on se moque de ces gros touristes de masse. 
Franchement, j’avoue que c’est pas si mal. Parce que tu fais des kilomètres que tu ne pourrais pas faire à pied, que tu reçois quelques informations intéressantes, et que tu passes devant tout ce qui est remarquable dans la ville. 

Mais si tu veux que je te dézingue le truc, je peux aussi : c’est stressant  parce que les places à l’étage sont prises d’assaut, le son n’est pas de bonne qualité, et le commentaire est une traduction googolesque qui offre parfois des tournures pittoresques. 
Et puis c’est quand même un gros scandale écologique de faire passer des gros bus au gasoil toute la journée en pleine ville et dans des rues justes assez larges pour ne pas toucher les deux côtés. 
Voilà, si tu avais ton idée de la chose, rien n’a changé pour toi, et si tu te demandais comment c’est, tu es un peu plus renseigné.

Sinon Porto c’est beau et typique d’un Portugal laborieux et enrichi, avec des quartiers  populaires et des propriétés d’un luxe exubérant. 
C'est aussi la sempiternelle rue commerçante dans laquelle tout le tourisme mondial vient faire la queue devant tel café ou tel restaurant pour y faire le sempiternel selfie  et déguster la sempiternelle spécialité du pays recommandée  par les sempiternels guides. 
Qu'ils s'appellent Guide Bibendum ou Guide du Tocard ils ont l'imagination formatée et mercantile…
Mais tu as aussi le droit de choisir une gargote au hasard et de bien tomber.
Et de faire la photo au déclencheur, ce qui te donne la bonne tête de l'ahuri qui arrive en courant…
Porto c’est aussi des musées, une culture omniprésente, des parcs qui témoignent d’une grandeur finalement assez généreuse, et c’est aussi le fado, qui raconte de petites histoires nostalgico-amoureuses, amoureuses de l’amour, du temps passé...

…de celui qui passe, et de la vie qu’on appelle destin, sans doute pour ne rien regretter...

Retour au camping en bus après une journée de bus, et comme le type qui a tracé l’itinéraire a choisi les rues les plus étroites et tortueuses du coin, ça ressemble beaucoup à un tour de manège… 
DIMANCHE 29
"Il faut faire la vallée du Douro, c’est  à ne pas louper". C’est ce qu’on nous avait dit. 
D’abord un scoop : le vin de Porto, il pousse pas à Porto. A Porto on le fait vieillir, on met en fûts, en bouteilles, en carafes, on colle les étiquettes et on expédie le tout. 
Les vignes sont dans la vallée du Douro, qui est magnifique et qu’il ne faut pas manquer. Sauf que ça commence à être beau bien loin de Porto.
Parce qu’à proximité c’est franchement moche, ça s’arrange au fil des kilomètres, mais je plaignais vraiment les cyclistes du coin obligés de se farcir des routes moches, étroites, fréquentées et donc dangereuses pour assouvir leur passion ou peaufiner leur entrainement… On était dimanche et les maillots bariolés étaient de sortie…
Donc la vallée du Douro, comme on ne voulait pas la remonter sur une bonne centaine de kilomètres, on va croire sur parole ceux qui nous ont dit que c’est magnifique et qu’il ne faut pas la rater… La preuve par internet, avec des photographes bien meilleurs que moi :


Ouah ! 
Nous, on a lâchement bifurqué au sud, en direction des passerelles de Paita, qui se sont révélées très agréables mais également très touristiques : on a très bien assumé le statut, on a payé 4€, et on a emprunté des passerelles qui permettent de se balader tranquillement le long de la Paita et de profiter du paysage et de la nature du coin, ce qui serait difficile sinon. 
Et on a fait des photos.

             




Le bivouac était prévu sur le parking du départ, mais on part rechercher mieux. Et on trouve : en pleine montagne, après une petite route toute mimie, à côté d’un bâtiment abandonné et muré, bref, tu vois le coin paumé de chez perdu. 
Tiens, vise un peu :
Et bien figure-toi que le Portugal tout entier a décidé de passer sur cette petite route cette nuit là… Inutile de chercher à comprendre pourquoi, c’est pas la première fois que ça nous arrive, mais jamais d’explication plausible… 
C’est juste ton destin…
Au matin on quitte le circuit pour rejoindre Aveiro, et, au pied de la descente, Arouca. 
C’est le premier village sympa que nous rencontrons, c'est-à-dire le premier village dans lequel on sent un réel effort pour que ce soit agréable à voir et à vivre. 
Jusqu’à présent nous ne traversions que des villages laborieux, sérieux, tristounets il faut le dire, et pas trop bien entretenus, il faut le dire aussi… 
Arouca est pimpant, aéré, soigné, et dénote donc agréablement  avec nos premières impressions. Un petit café pour fêter ça...
LUNDI 30 SEPTEMBRE 
Petit aparté sur le café, au Portugal : d’abord nous avons toujours bu du bon café. La machine a été nettoyée correctement pour éviter que ton eau chaude sente la serpillère usagée, on a utilisé de la bonne poudre, on a mis la quantité suffisante, et on a fait passer juste ce qu’il faut pour que le goût soit là sans que tu cherches douzième goutte au fond de la tasse, genre, pour ne pas le nommer…

Nous avons la chance d’habiter dans une région touristique, la côte d’azur, et, chez nous, le plaisir café coûte au bas mot 2 €, et peut atteindre la stratosphérique somme de 5 € si tu veux le prendre à la terrasse du bistrot renommé de Sein Trop de Pèze ! Ok, ces gens ont des frais, soyons tolérants… 
Ici, in Portugal Land, le petit plaisir va te coûter 50 centimes, et avionner à 1,50 € sur la grand place hyper chicos de Lisbonne. 
C’est le genre de petit détail qui rend ce pays attachant, tu n’as pas constamment l’impression d’être un pigeon à plumer, tu es bien servi, c’est très correct en qualité et abordable en tarif.

Nous voici à Aveiro, "la Venise portugaise" selon les guides touristiques. Qui n’ont jamais dû mettre les pieds à Venise, parce que Aveiro, bien que possédant trois canaux et une lagune, n’a vraiment pas grand-chose d’autre à offrir. 


C’est joli, on trouve quelques beaux monuments, un quartier de pêcheurs authentique, et une atmosphère agréable, sans doute plus due à l’arrière saison qu’à la ville elle-même. 
On voit bien sûr des rafales de bateaux peinturlurés se pavaner sur les canaux, avec à leurs bords des troupeaux de touristes  plus ou moins ébahis. 
Petit aparté sur le touriste : je hais le touriste, et j’en suis pourtant un… La preuve, j’ai très bien fait le blaireau sur la plateforme du Yellow bus de Porto.
J’ai très bien marché le nez en l’air dans toutes les églises que j’ai visitées, avec mes tongs, mon short et mon appareil photo, et j’ai très bien dégusté les spécialités locales après avoir piétiné des heures dans des rues bondées et étouffantes.  Mais je ne comprends pas à quoi vont servir les milliers de mauvaises photos de monuments ou de statues dont on ne se rappellera ni le nom, ni l’origine, ni la destination ni même la ville dont ils sont pourtant l’histoire. 
A quoi bon gagner des batailles, construire des palais, découvrir de nouvelles terres si c’est pour finir figé dans le bronze, photographié par des bedonnants alcooliques ou des zivas à casquette, à moitié caché par bobonne ou au trois quart éclipsé par une  poupée Barbie, et la tête couverte de chiures de pigeons ?
Je m'égare, mais c'était marqué dans le plan...
La spécialité locale ici à Aveiro, c’est les Ovos Molles, traduction : les œufs mous : goûteux. 
Et puis on nous dit comment c’est fabriqué : soixante jaunes d’œufs pour un kilo de sucre ! 
Grosse vague de suicides chez les diététiciens.
Pour compenser un peu on a fait du vélo sur la Cyclavel, qui est une piste cyclable permettant de voir de près ce qu’est la lagune. 
C’est super bien fait, tu es au raz du sol sur un chemin de planches et tu circules là-dessus en admirant les oiseaux, la végétation, et l’intelligence de l’homme aussi, qui sait vraiment s’adapter à tout et tirer parti de tout. 
Bon, la marée était basse, et on a surtout vu de la boue, mais on a très bien imaginé comme ça doit être encore bien mieux avec la mer à sa place… 
Ce qu’on n’a pas eu besoin d’imaginer c’est l’aller retour de la ville au départ de cette Cyclavel, sur un chemin poussiéreux entre l’autoroute et la voie ferrée : on se l'est farci, et c'est beaucoup moins glamour…
Un peu plus bas et un peu plus tard nous voilà à Costa Nova. C'est tout petit, coincé entre la plage et la lagune, et y est décliné à l'infini le style des premières maisons de pêcheurs, ce qui donne un coin assez pittoresque, non par son authenticité, mais plutôt par sa gracieuse naïveté.
                          
Il faisait un temps brumeux, presque couvert, il y avait la fête avec manèges, podium et danseuses qui se trémoussent sur des rythmes sud américains, il y avait les rues et les maisons décorées en l’honneur de la sainte du village, il y avait une ambiance euh… d’une naïveté rafraîchissante.







Hop le soir, bivouac, praia de Mira, au pied de la dune messieurs dames. Et un aéroport en bruit de fond. Ah, ben non, c’est juste l’océan qui ramène ses vagues sur le sable...

La suite, ce sera çà :

MARDI 1er OCTOBRE
Départ de la plage, avec temps tout pourri, genre entrée maritime plus la pluie. 
 C'est sans doute parce qu’on va vers Agueda, "village  des parapluies". Avec des guillemets, parce qu’en réalité Agueda, déjà, c’est une  ville. 
Aussi moche que n’importe quelle autre quand tu arrives, et puis il y a quelques rues couvertes de parapluies. C’est original, c’est assez joli, mais c’est quand même bien survendu, surtout quand tu traverses le marché couvert, lui aussi couvert de pébroques, mais qui pue comme si les poissons étaient venus à pied de la mer…
En boîtant...

Un peu de street art aussi.







L’idée des parapluies avait été proposée à la ville d’Aveiro, qui l’a refusée. 
Doivent s’en mordre les canaux, parce qu’Agueda sera capitale européenne de la culture en 2027, autrement dit le bled sera arrosé de gros pognon européen…
En cherchant un coin sympa pour le repas de midi, on tombe là :


On l'a trouvé  assez sympa pour s'y installer : tu vois qu'on n'est pas difficiles…

Inutile de préciser qu'on a fait des rafales de photos.
Imagine qu'on est quand même arrivés juste à la bonne période pour que la floraison soit totale. Le bol quoi.

On arrive à Coimbra. 
C’est sympa, à taille humaine, et sur le bord du fleuve un gars a pensé à installer une fontaine qui fait bien joli avec le soleil…

On se prend une nouvelle fois le Yellow bus pour faire les touristes, font trop bien les touristes les Doudous.

C’est bof bof, moins bien qu’à Porto, mais on voit l’ensemble de la ville sous différentes coutures sans se prendre le chou dans les embouteillages, le plan à la main et l’excitomètre dans le rouge. 
Et puis on retient quand mêmes quelques histoires de l’Histoire,  avec, un peu comme partout, des rois qui font assassiner leur belle fille dont les larmes se transforment en cristaux, et puis les amoureux qui se vengent en torturant longuement les assassins, rappelant au bon peuple qu’on ne rigole pas avec la morale.
A Coimbra, ville universitaire depuis la nuit des temps,  les étudiants forment les 2/3 de la population et, lorsqu’ils ont réussi leurs premiers examens, peuvent porter le costume noir et classe avec la  cape qui va bien. Mais cette coutume n’a plus rien d’obligatoire. 
On peut dès lors penser que ceux qui se promènent ainsi se la pètent, mais ça a de la gueule...
... et c’est largement plus classe que les costards à la mode chez Gucci, serrés au mollet, trop courts à la cheville et étriqués aux épaules… Si, tu vois bien ! Ces costards c'est la revanche des moches : tout le monde dedans est mal foutu...
Coimbra occupe une colline et descend se prélasser au bord du fleuve Mondego. C'est une des plus anciennes universités du monde, racontant ainsi la grandeur d'un Portugal conquérant. C'est aussi un fief du Fado, avec une lumière particulière.



Il fait beau, il y a des fauteuils attirants, et on se fait une goinfrade de chocolats, chaud, glacé, en crêpe et en chantilly…
Le foie défoncé on part pour Piodao, village paumé mais  beau dit le guide. Bivouac entre les deux villes, sur un point gps, récupéré…euh… je sais plus où…
Arriver de nuit sur un bivouac inconnu en empruntant un chemin de plus en plus rustique, c’est exactement le genre de plan qui fait bien kiffer les doudous… En plus leur gps les fait descendre dans un chemin tout étroit, pentu, et garni d’oliviers… à remonter en marche arrière... chaud...
Ils finissent quand même par arriver : c’est une plage au bord d’une rivière, zéro pollution lumineuse, que nous et le bruit des poissons qui dorment.
MERCREDI 2 OCTOBRE
Bon, ce bivouac c’est de la balle : la rivière, la plage, un petit canal, des gorges juste avant et… un tunnel pas fini. 
Si si, un tunnel pas fini : les gars ont creusé une trentaine de mètres, puis ils ont continué en ne faisant plus que la voute, et puis ils ont finit par percer un trou au fond, sans doute pour voir si leur truc arrivait vraiment quelque part… 
Comme derrière ils ont trouvé encore de la roche, ben ils ont calé, ces nains … 
Explication : en remontant le chemin de jour, on se rend compte que ça ressemble beaucoup à une voie ferrée : on rabote quand c’est trop haut et on remblaie quand c’est trop bas. 
Bref, ces gars là ont voulu faire passer un train… et le coup du tunnel les a découragés. Ou alors ils sont tombés en panne de sous…

Bon, on va à Pidao, et c’est terre brûlée : de gigantesques incendies ont ravagé la région en juin 2017. Les bomberos étaient complètement débordés et c'était ça :
Aujourd'hui c'est noir d’arbres calcinés, c’est vert d’eucalyptus tout neufs et c’est blanc de villages plantés là au milieu. 
Sans dire que c’est beau, il y a là une esthétique improbable mais réelle.


Piodao, en plus d’être loin, c’est un peu touristique, mais c’est vrai typique du village paumé fabriqué avec ce qu’on a ramassé dans le coin : les murs, en pierres, les toits, en pierres, les rues, en pierres, la fontaine, en pierres, tout en pierres. 


Seule la chapelle, symbole de pureté, est traitée en blanc :
Symbole de pureté

On se fait bien sûr alpaguer par le bistrot de la place : apéro vin blanc fromage charcuterie, un petit rot, et on part manger plus loin. 
Mais on est un peu en montagne quand même, et les coins plats pour pique niquer sont rares. 
Donc on roule et on passe à Foz d’Agua. 
Et devant une pancarte "plage fluviale". Oh ? 
Et ben c’est juste un bout de paradis.








On trouvera plus loin la terrasse d’un bistrot fermé pour pique niquer, royal.

Et vroum on tire jusqu'à Nazaré sur un point gps prévu.

Là c'est face à la mer, mais on préfèrera s'abriter sous les pins : moins bruyant et plus tranquille. 

Soleil couchant, sable, pins, vacances quoi…




JEUDI 3 OCTOBRE
On prend les vélos pour aller jusqu’à Nazaré, en évitant le beau petit chemin bien sablonneux parce que nos vététistes femelles n’aiment pas la sensation de ne pas diriger vraiment le vélo… Comprends pas…
Nazaré sur la carte c’est une ville plate au bord d’une magnifique plage. Sur le terrain ça monte bien grave vu que le haut de la ville est au sommet de la falaise. 
Avec une place magnifiquement penchée, d’excellents joueurs de fado, des bancs accueillants, des vieux promenant les mains au dos, des vieilles à paniers, et pas de bus à étage pleins de touristes ni de calèches rutilantes pleines de premiums. 
Tu vois la ville du bas, alanguie sur sa plage, et ensuite tu vas la découvrir. 
Découvrir les ruelles ombragées, le bord de mer prévu pour les vélos, le poisson qui sèche, une vieille plus sèche encore que ses poissons, les belles barques photogéniques, le sable blond sur lequel les kékés locaux jouent un football acrobatique et aérien.















Petit café en ville, pas touristique, c’est le café des gens du coin, des habitués. Je vais m’asseoir, passe devant une table, un type est là. 
- Bom dia, je lui fais, vu que le portugais n’a plus de secret pour moi.
- Buongiorno me répond le gars.
Comme tu es également un linguiste distingué, tu auras compris : un, qu’il est italien, deux, qu’il a flairé le français rien qu’à mon accent, trois, qu’il me fait savoir qu’il est italien.
S’ensuit une conversation comme je les aime : je suis au Portugal et je baragouine l’italien avec un type d’une classe internationale. Le cheveu gominé, bronzé, entre 70 et 80, fringué comme un prince, le sourire perpétuel, la clope classieuse entre des mains soignées, les pompes rutilantes juste bariolées comme il faut, il vit ici la moitié de l’année, le reste du temps à Milan, et traverse le temps du haut de sa classe. 
Il se lèvera ensuite avec classe, me saluera avec classe, et traversera la rue en direction de la plage en trimballant tout le charme italien dans Nazaré la Bella.
Bon, tu auras compris que j’aime bien Nazaré…
Petit repas au bruit des vagues.


...puis nous quittons Nazare pour Obidos. 
Si tu veux suivre un peu, on en est là :

Obidos est dans tous les guides touristiques et comme dans les guides touristiques : très beau et très touristique. 
Quelques rues seulement, mais soigneusement apprêtées pour la photo, soigneusement disposées pour les commerces, et soigneusement cartographiées pour que tu fasses le circuit en entier, sans manquer une seule boutique…
On s’écartera un peu, et le charme discret de ce mini parc d’attraction nous apparaîtra un peu, au détour d’un petit jardin, d’une petite terrasse ou d’une perspective sublime de couleurs et de lumières.






Et hop, direction Peniche, campismo de la praia, donc c’est la plage, hein, c’est bien marqué dans le titre ? 
Soit disant. 
Parce que le campismo est installé au sommet de la falaise. L’espace pour les camping cars et circonscrit entre 4 murs, pas folichon comme vue. 
Dans cet endroit sont installés des anglais en CC, visiblement depuis et pour un moment parce qu’ils ont aussi la voiture pour se déplacer, et le petit jardin autour du camion, avec les petites lumières qu’ils allument la nuit pour faire jolie ambiance… je comprends pas mais j'aime... 
Comme il y a de l’eau chaude, on en profite pour laver le linge… peut être pas une bonne idée…

VENDREDI 4 OCTOBRE
Vu que le lendemain, il pleuvasse et que le linge qui séchait pendant la nuit il a… comment dire… remouillé quoi. Donc direction une laverie qu’on avait repérée la veille, des sous dans la tirelire, ça sèche pendant une demi-heure et on va patienter dans le bistrot du coin. 
Rien ne se fait par hasard...
C’est le bistrot d’Audiard et  Lautner, tu sais les types qui embauchaient des acteurs à gueules pas possibles pour faire des films. Tout le monde dans ce rade est sur le modèle "si tu le dessines on te diras que tu caricatures".
A commencer par le tôlier, tout petit dégarni avec des yeux exorbités d’hyper thyroïdien, en passant par la pochtronne sans dents, le grand débile hydrocéphale et le bossu qui parle tout seul.
Ok, le linge est sec on part pour Sintra. 
Notre fabuleux gps de 2004 nous perd évidemment, on se coltine l’autoroute payante que tu vas chercher à 30 km ce qui fait qu’à la fin tu as payé pour arriver plus tard, bref, on finit par arriver à la gare de Sintra, et on prend le bus pour aller visiter les trucs visitables. 
Un, le palais national, qui veut se la faire royale, sympa, encore des histoires de rois qui magouillent pour virer leur frangin ou leur sœur, la routine quoi.






Et puis on prend un nouveau bus pour aller voir le Palacio da Pena.

Déjà le voyage vaut le coup. Le Palacio est installé tout en haut d’une colline, mais la grosse colline tu vois, haute et quasiment montagneuse. Et notre chauffeur ben… comme son nom l’indique, il chauffe ! 
Il chauffe la pédale de droite dans les lignes droites, et celle de gauche dans les freinages. Ça monte grave et c’est le grand prix de la montagne. Sympa.

Et puis voilà LE PALACIO DA PENA ! Grave lui aussi. Imagine un type qui a du fric à ne pas savoir qu’en faire, genre roi du Portugal, et qui se dit "tiens, on va construire un palais en haut de la montagne, là, tu vois ?" En fait le gars à qui il dit "tu vois", il voit juste un gros tas de cailloux tout en haut là-haut, avec une ruine dessus. 
Comme le genre roi du Portugal on ne le contrarie pas sans quelques désagréments physiques, le chef de chantier dit "ok Majesté", et il commence à réfléchir au problème. Le premier, de problème, c’est qu’il faut faire une route pour aller au sommet. 
Le second, c’est que, à mon modeste avis, l’architecte a fumé une herbe beaucoup trop forte pour lui ! 
Tu vois les palais dans les films Walt Disney ? Là c’est le même, mais en vrai, et planté en haut des rochers. Et le fou furieux s’est aussi mêlé de faire la déco intérieure et le mobilier. On a donc dû entendre ce genre de discussion :

-         Je verrais bien une corniche là.

-         Ouais, bonne idée, et on va lui donner la forme d’une grosse corde !

-         T’as raison, ça va faire classe ! Tu penses pas qu’une entrée avec un pont-levis un tunnel et un poste de garde tous les 5m ce serait beau ?

-         Cool ton idée, on va le faire !

-         Et pour les murs intérieurs je verrais du tarabiscoté, mais partout, absolument partout, jusque dans le fond des placards : t’en penses quoi ?

-         Super mon gars, et tu sais pas, on va faire les meubles pareil : par exemple, au lieu de faire 4 planches on va mettre des colonnes sur les côtés !

-         Yes, et on va les faire torsadées les colonnes !

-         Attends attends : et on va aussi les faire creuses et ajourées !

-         P… ton herbe elle est trop bonne !

Ben le résultat c’est le Palacio da Pena.


















Et le soir tu retrouves ton modeste camping car, dur…

Dans la zone portuaire de Lisboa. Dur dur.

En traversant un quartier entièrement rénové et donc inconnu de ton gps. Un vendredi. A 20h30. Après un bon gros embouteillage sur la cinq voies. Dur…


Bon, le coin est calme, a part Rita qui se frotte contre le quai. Rita c’est la grosse barge qui pourrit là depuis 5 ans, et qui monte et descend en raclant le bord. 
Pas grave, on a vu le Palacio et on fait des rêves grandioses !


 SAMEDI 5 OCTOBRE

Le coup du bus à impériale les écouteurs dans les oreilles nous paraît encore le plus simple pour visiter Lisbonne en une seule journée. 
Reste à trouver le départ, parce que l’accès à l’impériale est compliqué si tu le prends en cours de circuit : évidemment tout le monde veut être placé en haut… 
Donc on prend le taxi qui nous emmène sur la place principale, très jolie...
...sur laquelle aucun bus ne nous attend, parce que c’est vrai que ces gros engins multicolores garés côte à côte défigurent un peu l’endroit où ils stationnent. 



Donc on marche, on marche et on marche vraiment beaucoup pour rejoindre le point D, D comme départ. On se remonte l’avenue principale, qui nous fait bien comprendre que Lisbonne c’est grand… 
Une fois dans le bus tout va bien, le commentaire est un peu soporifique, mais faire le légume en surplombant la foule avec de jolies histoires dans les oreilles et en regardant de belles choses peut être reposant après une longue marche… 








… et puis les pigeons sont joueurs…


On se réveille juste à temps pour descendre à l’arrêt Belem, c’est le nom du quartier dans lequel on fabrique et vend les fameux et mondialement connus pasteis de Belem, prononcer pasteïche.  
On a  bien le pli "touriste" : on voit une file d’attente, on la prend. Et là ! 
Là, il faut que tu prennes bien ta respiration et que tu me lises tout ce qui va suivre sans t'arrêter, tu vas voir, c'est vraiment comme si tu y étais. Prêt ?

OK ! Là c’est de l’abattage pur et dur : deux comptoirs, où tu achètes la camelote, et le flot te porte en avant aussitôt le paquet livré. Tu passes devant les cuisines, dans lesquelles une foule grouillante s’active pour fournir en continu le flux d’acheteurs, puis tu es porté vers une première salle tapissée d’azulejos, totalement pleine de gens qui dégustent et boivent., pas grave, tout est prévu, une seconde salle t’attend, aussi pleine d’azulejos que de mangeurs de pasteis, puis une troisième, idem, et tu t’enfonces, de salle en salle, dans le bâtiment,  tu progresses en croisant ceux qui sortent, les bienheureux qui ont déjà accédé au graal : une table libre ! 
C’est un labyrinthe, tu progresses encore, toujours, le proprio doit acheter le moindre endroit qui se vend dans le quartier, c’est une pieuvre, tu es en apesanteur, le flot te porte, te transporte, ceux qui sortent te frottent, de leurs épaules, de leur sac à dos, de leur appareil photo, tu es dans une moraine glaciaire qui s’enfonce inexorablement dans le ventre de la bête, tes yeux scrutent ce que scrutent tous les yeux, les tables, toutes occupées, bondées de pasteis mais aussi de boites de coca, de verres de jus d’oranges, de pailles plantées dans des liquides verts, bleus, multicolores, tu croises des yeux qui te font comprendre ta position inférieure, les yeux qui appartiennent aux culs posés sur les chaises sacrées, les yeux qui te disent  qu’ils ont le pouvoir, le pouvoir de faire se lever les culs pour t’accorder la faveur, l’aumône d’une place, puis qui se plissent, rieurs, et te quittent, te laissent t’enfoncer dans les entrailles de ce temple de la consommation, t’abandonnent à ton sort, aux affres de l’errance, de la migration, jusqu’au fin fond de l’antre,  jusqu’au suprême délice, qui te sera bien sûr inaccessible puisque c’est le patio, l’ile de verdure et d’air pur au milieu de ce dédale, de ce cloaque, la lumière après la nuit,  le patio auquel tu ne peux accéder que sur réservation, le carré vip, la vraie vie, en premium, toutes options, celle qui te distingue des gueux, des rampants, de la plèbe, le patio devant lequel te fait passer le fleuve, le patio que tu vois s’éloigner, disparaître, et tu retrouves ta modeste condition de migrant après avoir entrevu les Illuminati auréolés de la gloire et de l’honneur d’avoir bouffé des pasteis de Belem dans le patio de la boutique ! 
Respire maintenant !
La vie en premium. J’adore. 


J’adore ce monde de cinglés, crée par des cinglés et pour des cinglés. Ce monde dans lequel tout ce qu’on te fait désirer est à vendre, et dans lequel tout ce qui est à vendre se décline en cheap, en médium et, must, en premium. En premium tu ne fais pas la queue, tu passes devant tout le monde, devant le cheap et le médium. En premium tout est mieux, tout est plus confortable, plus clinquant, plus tout. 
Plus cher aussi, parce  que à quoi ça sert d’écraser tout le monde et de gagner un pognon de dingue si tu peux pas le proclamer à la face du monde ?
DIMANCHE 6 OCTOBRE
Lisbonne. Hier c’était Lisbonne ville historique, ce matin c’est vélos et cap au nord, sur la piste cyclable. 

Et voilà l’autre Lisbonne, Lisbonne 2019, incroyable de modernisme, d’audace, et de qualité. Les usines désaffectées laissent place à des immeubles de logements, de bureaux, à des jardins, des allées. D’un bord de mer pourri par l’industrie nait un quartier moderne, pensé, agréable et beau.
 De l'ancien…
...passage…

 ...au nouveau…




Et l’on va emprunter le pont. 
A Lisbonne, pour traverser le Tage, il y a deux ponts. 
Le premier, métallique,  date de 1966, ressemble beaucoup au Golden Gate  de Frisco, et après s’être nommé Salazar fut rebaptisé Pont du 25 avril, comme 25 avril 1974, jour de la révolution des œillets, jour de la chute du dictateur. 


Le second est le pont Vasco de Gama, qui mesure quand même 17 km puisqu’il surplombe non seulement l’estuaire du Tage sur 12 km mais aussi la lagune qui n’en finit plus au sud. 
Quand tu l’as vu et que tu commences à rouler dessus, tu te sens partir pour une parenthèse, un espace temps particulier, fugace, aérien, poétique.




Ensuite c’est le sud et, si tu regardes la carte du Portugal c’est à partir de là que commencent  les grandes plages. On descend jusqu’à Santo André où se trouve le camping qui nous attend. 
Il est quasiment vide, la plage est à deux pas, mais il est entouré d’un grillage surmonté de fil de fer barbelé, sans doute pour que les baigneurs ne puissent pas venir profiter des commodités du camping. 
Vu de l’intérieur tu te demandes quand même si au dessus de l’entrée tu n’a pas vu marqué "Arbeit macht Frei"…
LUNDI 7 OCTOBRE 
Ce lundi avait plutôt bien commencé. 
Camping désert, douches, lessives, étendage du linge, promenade vélo pour aller voir les vagues qui nous ont empêchés de dormir. En plus passerelles en bois pour arriver vraiment au bord de la plage, photos, sable, rouleaux impressionnants, boucan d’enfer.




Ensuite départ tranquille pour aller voir Vila Nova de Milfontes. Petite ville superbe à l’embouchure de la Mira, donc des plages magnifiques, des rochers noirs pour faire un peu contraste, des courants dans tous les sens avec des effets de vagues magiques. Promenade en vélo dans la ville, authentique, jolie, agréable. 




Et départ pour Sagres où nous attend un spot bivouac de ouf au dessus des falaises. 
Quand tu vas à Sagres la plupart des voitures que tu vois sont surmontées de planches de surf. Donc Sagres, c’est LE spot des surfeurs. Le surfeur du coin vient avec sa voiture et s’en retourne le soir chez lui. 
Les autres vivent dans des fourgons ou des camping cars, et sont prêts à se planter n’importe où et n’importe comment du moment qu’ils peuvent surveiller LA VAGUE. 
Avec pour résultat que le super spot qui nous attendait se retrouve blindé de voitures, de fourgons, de camping cars, qu’il est coincé entre la route et la falaise, qu’il est en plein vent, mais alors le vent de chez ventilo, et que c’est surtout pas là qu’on va dormir.
Bon, pas grave, je vais trouver un bivouac sympa, tiens là bas j’ai repéré une forêt d’eucalyptus : "je pars devant, je vous envoie le point gps et vous me rejoigniez". On fait comme on a dit.
Sauf. Sauf que. Sauf que j’ai un peu trop l’habitude d’aller facilement dans des coins un peu reculés…

...et que nous voyageons avec des gens qui ont un simple camping car. Donc, le mignon chemin un peu sablonneux que j’ai emprunté se retrouve être un gros piège. 
Plantage en règle du camping car. 
A partir de là tu connais un peu l’histoire. Sangle et manilles, boite courte et on tire. Ok. 
Arrivé au  point bien plat sous les arbres, on détache le CC, qui se replante immédiatement bien sûr, vu que, comme un âne, je me suis laissé piéger par les épines de pins qui te font croire, les sournoises, que dessous c’est du dur. 
Et ben c’est pas du dur, c’est même du tout mou… 
Bon, à force de tirer en avant et en arrière on finit par stabiliser le CC sur du dur, et le pilote, un peu chaud quand même après l’aventure, déclare péremptoirement que "jamais plus". 


On plaisante et on dédramatise…
...et on raconte que demain matin ça sort tout seul des doigts dans le nez.
Mais on va quand même pas trop bien dormir parce que ce putain de chemin me semble vraiment très mou…
Et il te semble pas que ça monte un peu ? 
MARDI 8 OCTOBRE
Au réveil nous sommes vraiment sur un très très beau bivouac : un beau soleil, de beau pins, de belles bruyères, de beaux chiens qui passent avec un beau joggeur…
 

...et du beau sable, bien jaune, et bien brassé…
J'ai pas rêvé, hein : ça monte une peu là ?

Sortir le CC de ce coin, l’affaire me parait réalisable, mais…

D'abord dégonfler les pneus du 4x4, je descends à moins d’un kilo pour avoir la bonne traction. Accrochage du boulet, boîte courte, et gros watts.
C’est parti !
Ok, on va dire qu’on a fait 8,43 mètres avant que le CC plonge son gros museau dans le sable. 
Erreur : il aurait fallu le tracter en arrière jusque sur du dur, et ensuite envoyer la purée avec de l’élan. 
Bon, on reprend, nouveau plan : je passe derrière, je le recule jusque sur le dur, et on bombarde. 
Oups, deuxième erreur : j’ai oublié que le Zouzou passe partout, à condition de ne pas le planter sur son gros ventre. En voulant passer derrière le CC, je pose le 4X4 sur le ventre. 



Fini. Terminé. Une roue patine, pas de blocage de pont et pas les plaques : c’est mort. 
Pour la forme on va passer deux heures à lever le gros, à lui glisser un poteau en béton qui trainait pas là sous sa roue, à regarder en transpirant le cric s’enfoncer dans le sable, à s’arracher les doigts sur des racines, à ramasser du bois pour faire un joli chemin etc… ...tu l'as déjà vu ce film ?



Tout ça avec la chaleur qui vient, le sable qui rentre partout, l’impression de passer pour le gros con que je suis, et les boules qui montent jusque sous mon menton.
Bien : trouver un tracteur… 
Pour rappel, nous sommes dans l’extrême pointe sud ouest du Portugal, autrement dit le t… d… c... du pays, et ça ressemble beaucoup à un désert… 
Je prends le vélo et pars à l’aveugle trouver un tracteur… Je visite des fermes abandonnée, des fermes, vides, avec des chiens assez nombreux pour donner quelques sensations, des bâtiments ruinés, je roule sur des pistes blanches et poussiéreuses  au milieu de champs vides et abandonnés, en plein soleil, et avec les boules etc…etc…
Et là, là, c’est pas un tracteur que j’ai vu passer au sommet de la colline là bas, au loin, fugitivement ?!  
Banzaï, ligne droite à travers les champs, montées descentes, tout droit, je m’arrête, j’écoute. On dirait que... Pédale, fonce, monte, descend et… alléluia ! 
Mais qu’il est beau ce tracteur qu’en toute autre occasion j’aurais trouvé tout pourri ! Et le type dessus ! C’est un seigneur, un héros, mon héros ! 
Le gars a aussi un sourire de héros, et je parle le portugais couramment : je tiens un volant dans mes mains, puis je tourne les mains en machine à laver pour montrer que ça patine grave, et enfin je croise les avant bras pour signifier que je suis planté dans le sable. Carlos, il s’appelle Carlos le héros, me prends une corde imaginaire et la tire vers lui, je monte et descends le nez alternativement pour dire oui, et tout va bien. 
Sauf, sauf que. Sauf que le héros, en dehors de son boulot de héros, il est laboureur, tu vois. Et que mon problème passe largement après le sien qui est, pour l’instant présent, de finir de labourer son champ…
Ben tu sais que ça va pas vite finalement de labourer un champ… Je poireaute une bonne heure, en plein soleil, à écouter Carlos faire ses allers-retours à la vitesse d'un escargot subclaquant.
Et voilà enfin Carlos et son merveilleux tracteur qui me suivent sur la piste blanche et poussiéreuse, et  que j’ai intérêt à retrouver sans faillir l’endroit où on est plantés… 
Lorsqu'on arrive Carlos est tellement content qu’il éclate d’un grand rire ! 
Ou alors ça veut dire "mais qu’est-ce que t’es allé vouloir faire passer ce gros machin sur ce chemin tout pourri !"
Dans un grand rire encore Carlos déplante le 4X4 en moins de 10 s, puis on attache le CC derrière le tracteur.
Carlos ne rit plus. Parce que le tracteur se retrouve bien cabré  sans que le CC ne bouge un rétro. Et puis je commence à imaginer le pire parce que le Carlos, d’un tempérament certainement impétueux comme tout héros qui se respecte, n’a pas envie de passer pour une fiotte avec son beau tracteur puissant. 
Alors il envoie les watts et l’avant du tracteur monte de plus en plus haut… Ca fume, ça patine et ça chauffe.
Heureusement il a de la ressource, et il va lever l’avant du gros en l’attachant à sa charrue pour faire passer un peu de sable sous les roues.



Mais il faudra quand même reculer le CC pour le mettre sur le dur, et passer sur le côté au milieu des broussailles pour trouver du sable un peu moins mou. 
Et là, regarde un peu ce beau travail d'équipe sous la direction de Poupette qui agite son petit bras pour bien qu'on comprenne que c'est en avant qu'il faut aller !
Et derrière, le puissant Doudou : je pense qu'on aurait pu se passer du tracteur finalement... 
Tout se finit bien, on est sortis et on a été assez généreux avec Carlos, content qu’on était d’avoir fait sa connaissance… et lui donc...
Il nous reste du temps pour faire un petit pique nique sur les falaises, face à Sagres, avec en bas des gens qui passent leurs journées dans l’eau, munis d’une planche, à attendre l’hypothétique vague qui leur permettra de surfer sur quelques dizaines de mètres…


Sagres s’avère ensuite être belle seulement de loin avec ses falaises et sa mer. Le petit tour en vélo que nous y faisons révèle une ville banale, triste et sans charme.
Puis c’est Lagos, et là, c’est beau, agréable, civilisé, on boit des caipirinhas pour fêter ça, on sillonne la ville en vélo, et Joce en profite pour tâter les pavés, trompée par un escalier déguisé en descente…
Le camping de Lagos s’avère être en pleine ville, sous la voie rapide, et peuplé de tchouls.
Tchoul : terme désignant un être vêtu d’affaires exclusivement tricotées ou tissées à la main, en poil de ceci ou celà venant du tibet ou autre contrée ésotérique, la tête recouverte de locks ou rasée avec une grande mèche rouge, ou bleue, ou verte, ou violette, mais absolument pas ordinaire la tête. 
Le tchoul fait pousser des chèvres, fabrique des bijoux en matériaux recyclés, ne lave pas ses dents, boit de la bière, est écolo et roule dans un camion hors d’âge que tu peux suivre sur google earth tellement il bouffe de l’huile et fume noir…

Le tchoul de Lagos vit entre la voie rapide et les immeubles pourris, entouré d’un grillage tapissé de plastiques, entasse les cannettes dans des poubelles qui ne sont jamais vidées, et l’endroit s’appelle le camping de Lagos…


Cool, non ?
Alors on calte, et on trouve un campismo pas mal et pas compliqué : comme on arrive tard le gardien nous fait entrer, nous donne la clé pour l’électricité et nous dit de nous mettre où on veut. 
Ce qui change de la paperasse administrative à laquelle nous étions habitués. Car les campismos portugais ne rigolent pas avec la réglementation : cartes d’identité de tout le monde, paperasse remplie à la main par un employé bloqué à 2 de tension pour obtenir les renseignements qu’il va ensuite laborieusement  taper sur un ordinateur, sûrement pour gagner du temps…
MERCREDI 9 OCTOBRE
On a pris goût à la touriste attitude, alors on va directos chez le promeneur en bateaux pour  se faire la grande visite des falaises et des grottes. 
Sur la promenade de Lagos sont installées une bonne dizaine de baraques dans lesquelles tu peux acheter le ticket pour la croisière.
Tu as celle dans laquelle on a installée une super nana à peine souriante, certainement mal payée, qui te donne le prospectus et te le lis, et c’est 20 balles, que tu sois un ou deux ou quatre. 



Et tu as la cabane dans laquelle se trouve le patron d’une autre boutique, qui parle toutes les langues, qui te fait voir les images très belles de ce que tu vas manquer si tu fais pas sa promenade, qui sourit de toutes ses dents, se met un chapeau rigolo sur la tête pour te distraire un peu, parle à tout le monde en même temps, très vite et très bien, te dit que tu as de la chance parce que le prochain départ est juste bientôt, en plus avec le bateau baptisé Barco D’Amor, et qu’en plus tu seras piloté par super Mario qui est le meilleur de tous ! 
Et qui te fait le tarif à 12,5 € parce qu’il a envie de te faire plaisir tellement tu es son pote à présent, bref, qui te vend le truc comme si sa vie en dépendait, ce qui est le cas d’ailleurs…



Et bien figure-toi que c’était exactement comme dans le plan : magnifique et impressionnant. 
Super Mario te faufile la barquasse dans des endroits pas possibles en faisant rugir le moteur, tu rentres dans les grottes, tu en as plein les yeux, et super Mario sait exactement où et quand tu vas prendre la photo et se paye le luxe de te stopper l’engin en haut d’une vague pour que tu aies bien le temps d’appuyer sur le déclencheur. 















Avec le bruit des vagues et le couinement du moteur c'était encore mieux, super spot, super boulot ! 
Et en plus j’ai pas vomi.
Était prévue une promenade vélo sur une Ecovia, mais ladite Ecovia n’existe pas…
Était prévue la visite de Carvoeira, mais Carvoeira c’est pas beau…
Était prévue la plage de Benagil, mais Benagil c’est blindé de monde, du monde avec de la grosse voiture de luxe, avec de la rolex à chaque bras, du monde avec de la gueule de winner et le cerveau d’un winner toujours à toc qui klaxonne si tu lui fais perdre une seule seconde de son précieux temps de vacance, le con, comme s’il ne savait pas qu’il allait mourir un jour, comme… ah… tu veux dire qu’on a déjà tous fait ça ? 

Bon… j’enchaîne… Benagil c’est LA plage au pays des falaises donc si tu veux tremper ta viande dans la mer, c’est là qu’il faut être.



Était prévue aussi la visite de la chapelle de San Lourenço, mais, premièrement c’est fermé, reviens aux heures de visite mon gars, deuxièmement je m’étais benoîtement imaginé la chapelle blanche se découpant sur le ciel bleu avec les cyprès verts à côté, bref je m’étais imaginé le tableau de Matisse, et en fait la chapelle de San Lourenço, elle est coincée entre la zone industrielle et la double voie…
On traverse Loulé, qui nous semble mériter le détour. Petite ville mais jolies perspectives.




Était prévu encore d’aller dormir à Fonte Benemola, mais le coin est interdit aux autocaravanas, ce qui fait qu’on repart de nuit pour trouver un autre coin, qu’on trouve, mais qu’une meute de chiens vient immédiatement rendre le coin invivable, qu’on repart, que je commence à chauffer grave puisque tout à foiré depuis le début de la journée, que je descend un chemin sans issue, que je remonte en arrière, et que j’écrase le porte vélos et les vélos contre un salopard de mur de pierres qui traverse juste à ce moment là… derrière moi… la méchanceté de ce mur...
Super journée donc que ce mercredi... 
On finit par se poser, et par faire la connaissance d’une tchoule qui campe là ce soir avec son camion et ses clébards, qui nous demande de nous installer à distance vu que les gardiens du temple vont aboyer toute la nuit si on est à côté, qui vient nous voir un peu plus tard pour nous dire qu’elle regrette l’accueil mitigé qu’elle nous a fait, qu’on invite à l’apéro, et c’est ça la beauté du voyage, de rencontrer des gens dont tu ignores tout pour partager un moment. 
Et même des tchoules…

JEUDI 10 OCTOBRE
Au matin je rafistole le feu du porte vélo qui pendait lamentablement, puis on part pour une petite balade sympa en vélo. 
Ah : on part pas tout de suite, parce que la béquille du vélo de Joce frotte conte la roue, petit dégât collatéral de l’emboutissage… 
On redresse le bazar, et on part. 
Ah : on part pas encore, parce que la roue arrière du même vélo est complètement cintrée, petit dégât collatéral etc…


Bref, les boules qui étaient descendues au niveau du nombril pendant la nuit reprennent leur place sous mon menton pendant que je charcute les rayons pour pouvoir faire rouler l’engin.
Alors on part.
Ah : mais pas loin parce qu’en fait le chemin est rapidement impraticable pour des vététistes moyens…

Qu’à fela ne tienne, on fa aller visiter la fapelle de San Lourenfo, tu fais felle qui n’ouvre que quand on n’est pas là... 
2 roros l’entrée, plus 0.60 pour le petit fascicule explicatif sur ce qu’on verra à l’intérieur. 
L’intérieur c’est des azulejos, mais QUE des azulejos. 
Les azulejos sont de petits carreaux de faïence décorés et là, dans l’église de San Lourenço, on raconte la vie du saint, que tu auras déjà traduit en saint Laurent tellement tu es rusé. 
Quand j’écris QUE, c’est QUE : pas un centimètre carré n’a échappé à l’invasion, et il fallait bien ça pour une si belle histoire.

Figure-toi que saint Laurent s’était mis en tête de distribuer les richesses de l’église aux pauvres. Sans doute qu’il se faisait ainsi beaucoup trop d’amis, alors le gouverneur du coin a commencé à lui chercher des poux dans la tête. Il lui reprocha ainsi d’être trop riche, et le condamna… à donner ses richesses… au gouverneur… Ben pourquoi se gêner… 
Mais saint Laurent a la fibre comique, et lorsqu’on lui demande de montrer ses richesses, il présente tous les pauvres qu’il connait. Le gouverneur par contre manque d’humour. Et le condamne cette fois à être rôti vivant s’il n’abjure pas sa foi. 
Tu penses bien que Laurent ne va pas manquer l’occasion de devenir un martyr et donc un Saint. Alors ils te l’ont grillé d’un côté, puis ils l’ont retourné pour une cuisson parfaite,  et le comique de la situation n’a pas échappé à saint Laurent qui a, et ce fut son ultime trait d’humour, proposé au gouverneur de le manger. 



Bien cadré, ça passe…
Voilà, l’église de San Lourenço, bien que située dans un coin pourri, est exceptionnelle.
Heureusement. Parce que la suite le sera moins. 
Un parcours vtt est prévu : 
"Au départ de l’hôtel Hilton de Vilamoura, station balnéaire réputée pour ses golfs, il s’agit d’un petit tour facile et agréable passant par les sentiers cyclables et la réserve avant de se terminer via un petit chemin longeant la plage" disait l’auteur.
La vraie réalité c’était bien départ devant le Hilton, mais après le petit tour facile passait sur des pistes cyclables mais le long des avenues, traversait la soi-disant réserve sur des pistes interminablement blanches et poussiéreuses, empruntées également par des voitures et des camions, avant de se terminer en eau de boudin parce que le petit chemin de planches sur le sable était interdit aux vélos… 

Et les golfs on les as vus parqués derrière le grillage qui séparait les gentlemen’s des gueux comme nous… 
Bon, comme tu vois, tout le monde n’a pas la même perception du petit tour facile et agréable…
Ensuite on file sur Fuseta, localité dans laquelle Doudou a une copine qu’il a promis de visiter. 
On trouve la copine. 
Qui nous explique illico qu’elle est "bien barrée"... 
Et effectivement… 
Belle lumière et marée basse…

...puis petit repas dans un resto assez moyen, pendant lequel on apprend que la fin du monde est proche, que la crise de 2020 sera terrible, que 5 familles gouvernent le monde, je t'en passe et des plus racistes, et tout ce qu’on aurait pu lire sur le net si on y passait nos jours et nos nuits en suivant le lien "On nous cache vraiment des choses"…
Retour dans la vraie vie à la sortie du resto : un type est étendu sur le trottoir, visiblement bien mort , sans doute après avoir pris un pot avec quelques potes, discuté de ci et de là, ignorant, comme nous tous, que tout peut s’arrêter d’une seconde à l’autre. 
Dérangeant certes, mais oh combien utile…
Le bruit de la mer toute proche bercera mes réflexions de la nuit.
VENDREDI 11 OCTOBRE
Direction Tavira, recommandée par la copine barrée de Doudou, des églises partout, assez sympa et authentique, petit fleuve, petit château, petit parc… 








...et petits moments volés…


Puis écrire "Séville" sur le gps, et quitter ce Portugal  attachant que nous avons découvert.
Le fleuve Guadiana sépare le Portugal et l'Espagne, et c'est l'une des plus vieilles frontières d'Europe, presque inchangée depuis 1297. 
Curieux de constater que lorsque nous le franchissons, l'Europe est en mutation, et le pont brumeux est en réfection…

On a repéré un camping qui semble sympa, en bordure d’un parc naturel, au milieu d’une pinède. 
Là c’est top, deux piscines, tout est fait pour le bonheur du campeur, machine à laver, wifi etc… 
Et, pour "assurer la tranquillité du touriste", défense de se servir  du sèche-linge après 20 H. 
Pas grave, on va laver et faire sécher dehors. Ah, non : zone sensible, faut étendre sur l’étendoir homologué par la maison, fournis après versement d’une caution. Et la caution t’est rendue quand tu pars. Très bien. Mais le bureau ouvre à 10h. Ah … pas trop pratique si tu veux décamper un peu tôt.
Comme tu n’as pas eu droit au sèche-linge pour préserver "la tranquillité des campeurs", tu t’étonnes un peu que des gosses courent et hurlent encore à minuit, et comme depuis le coucher du soleil tu as servi de repas à des milliards de moustiques, tu t’en trouves un peu contrarié…


Alors tu renfiles presto ton pantalon, et tu sors pour hurler à ces connards que leurs putains de gosses tu vas les étriper s’ils ne les rentrent pas tout de suite dans leur putain de caravane. Bon, c’étaient des Anglais, mais juste au ton ils ont compris que le génocide était imminent…
SAMEDI 12 OCTOBRE
On décoince tôt, heureusement, parce que les jeunes adeptes du brexit sont déjà dehors à 7h du matin : sans doute que les parents les ont virés de la caravane afin de repeupler rapidement la perfide Albion… 
Côté wifi on pensait pouvoir se faire une petite connexion, mais le truc ne fonctionne qu’à l’ouverture, soit 10 h...
Okay je résume : les moustiques, les braillards et maintenant l’arnaque sur la wifi, on va te lui mettre trois têtes de mort sur le site à ce camping !
On s’est levé tôt pour aller visiter Séville, et comme nous sommes en Espagne, nous voilà revenus à l’heure normale, c'est-à-dire que se lever tôt équivaut à faire sonner le réveil quand il fait encore nuit… pas trop vacances tout çà…
Sur Séville j’ai un point gps qui devait initialement être notre bivouac. On le rejoint donc pour se garer pendant notre visite, vu qu’il est très bien situé, juste à côté du centre. 

Idéalement placé non ?
Bon, je me doutais que c’était pas un parc de verdure, mais quand même… C’est tout pourri et tout glauque.
 Et le type qui veut me faire payer ressemble à Bartabas, tu vois, celui qui fait de somptueux spectacles de chevaux, si tu vois pas, c’est pas grave je vais te le décrire plus loin, mais n’oublie pas de googoliser "Bartabas" dès que j’aurais réussi à finir cette phrase interminable. 
Le gardien de l’enfer dont je te parle ressemble donc à Bartabas, avec les favoris taillés en pointes qui lui mangent les joues, le regard mitraillette planté au fond des orbites, le cheveu taillé comme le poil d’un cheval et la carrure du mec que tu peux pas chahuter sans dégâts. 
Et celui-ci de Bartabas, il a, en plus, du cheval, l’odeur… 
Et son sourire. Tout en dents. Le sourire qui te dit qu’il a pas envie de rigoler, le Bartabas Bis.


Ce Bartabas là vend la journée des voitures d’occasion dans son coin pourri et la nuit il loue son coin pourri plein de voitures d’occasion au tarif exorbitant de 12 roros à des camping-caristes avides de visiter la somptueuse ville située juste à côté qui, comme toutes les somptueuses villes, possède donc une banlieue hyper glauque, peuplée de bartabas et tapissée d’ordures et de préservatifs.  
On trouve peut de temps après un parking potable et encore mieux placé, on descend les vélos, et à nous la sémillante Séville.














Belle ville, tu peux consulter les dépliants, ils ont raison. 
Des bâtiments autant chargés d’histoire que de motifs recherchés, des parcs aux arbres millénaires, des perspectives royales, le fleuve paisible et placide, de la place pour respirer. Evidemment aussi, des rues minuscules blindées de taxis et de calèches, des files d’attente gigantesques pour faire la photo moins belle que celle de la carte postale en vente partout, et des grappes de touristes du quatrième âge accrochés à des guides gueulards. 
En plus c’est samedi, jour des mariages, et comme il doit y avoir une bonne centaine d’églises, on voit partout des gens sur leur trente et un, queues de pies et chapeaux à plumes, robes longues et mariés déjà épuisés. 
Mais aussi chorales magnifiques, mariées à croquer, beaux pères dubitatifs et belle-mères volubiles. 
Bref, on est à Séville, et l’Espagne c’est de la bonne grosse tradition, sur ce plan là tout au moins…
On se trouve un coin calme pour dormir, vu que les voisins, sont les pensionnaires du cimetière…
Apéro, repas, belote, et  je sors prendre l’air. 
Souffle un vent léger et chaud.
Une lueur rouge vers la porte du cimetière, je m’approche, un gars est là, seul, bloqué dans un fauteuil roulant, visiblement mal formé de naissance, qui fume sa clope, pensif.  
En savoir plus ? Comprendre ? Discuter ? Situation déjà périlleuse quand tu maîtrises parfaitement la langue, alors là… 
Et puis le gars me sourit, me fait sentir, d'un geste gracieux la douceur de l’air, me montre les étoiles, puis sa clope, et ferme les yeux d’un air ravi. 
Doué le gars : j’espère qu’on n’a pas trop perturbé son petit plaisir quotidien...    Buenas noches…
DIMANCHE 13 OCTOBRE
On va visiter Cordoue, Cordoba en espagnol. Direction centre ville, avec une adresse pour un parking proche du centre. On navigue avec map, mais dès qu’on est en ville, le bazar beugue et on se retrouve à s’exciter au milieu des embouteillages. 
On finit par trouver un coin très banlieue, avec son bistrot de banlieue et ses poivrots de banlieue. Mais j’aime bien l’ambiance, et on est finalement à seulement deux kilomètres du centre. 
 Cordoue c’est là qu’on trouve la Mezquita, qui est une cathédrale construite autour d’une mosquée. Sûrement dans le but de faire plaisir à tout le monde…






Il y a un beau jardin…



...de  belles  pierres, des restes romains…



...et une exploitation minutieuse et minutée de l’endroit, avec visites à telle heure, distribution des billets à partir de telle heure, tarifs incluant ceci ou cela selon que tu veux le vivre en premium ou en gueux. 
Il paraît que c’est vraiment très impressionnant dedans, beau, majestueux, et tout un tas de superlatifs. Il parait, parce qu’on s’est boudé la visite, vu le nombre de clients et le stress pour avoir un ticket, et la file d’attente, et tout le toutim touristique qui nous rebute de plus en plus… 
Parce qu’avant ça on avait quand même fait l’intégrale : la maison arabe, le quartier juif –à croire que c’est possible de vivre ensemble- les colonnes romaines, les rues étroites, les jardins très beaux, les grappes de touristes ingurgitant du sandwich vite fait pour pas perdre une seconde, les autobus rouges ou jaunes dont on a déjà parlé, et tout ce qui fait qu’une ville magnifique devient un gigantesque parc d’attraction…



















...et la sempiternelle calèche et son bourrin dont le regard me rend toujours quasi dépressif...



Doudou et Poupette sont entrés dans la Mezquita : ils confirment, c’est bien comme raconté dans les guides...
Comme la pluie est annoncée pour le lendemain et qu’il est temps de songer au retour, direction l’autoroute. 
J’ai pointé un bivouac un peu au pif, sur le gps, au bord d’un lac.
Après 100 bornes d’autoroute au milieu de milliards d’oliviers...


...on prend une route plein nord au milieu de milliards d’oliviers, puis une petite route au milieu de milliards d’oliviers, et quand la petite route se parsème de gros trous c’est toujours au milieu de milliards d’oliviers. A 500 m du but, tu as peine à croire que tu vas trouver un lac, vu que tu es toujours au milieu de milliards d’oliviers…
Et puis. Un pont, rouge et jaune, décoré de motifs tout à fait jolis entre influences arabe, espagnole et romaine. 



A sens unique. Bon, on se lance. 
En fait le pont est un barrage, et derrière, devine, oui, un lac, avec au loin… ben des milliards d'oliviers…

Un beau lac paisible aux eaux turquoises. 
Nous sommes un dimanche en fin d’après midi, et comme le coin est magnifique, de nombreuses familles sont venues profiter de l’endroit. 
C’est joli, c’est paisible.
Et c’est pourri. 
Pourri de chez gros dégueulasse qui abandonne sa merde là où il est. Et c’est  répugnant et rageant de voir un coin pareil livré aux cannettes, aux bouteilles et aux  papiers. 
Là où je renonce définitivement à comprendre, c’est que des gars  écrasent la bouteille en plastique avant de l’abandonner - pour qu’on la voit moins tu crois ? - et que chacun semble venir dimanche après dimanche pique niquer dans les ordures qu’il a laissée le dimanche d’avant…
Le soir tombe, tout le monde dégage, on s’est installés sur un coin presque épargné, et on profite du soleil couchant.



LUNDI 14 OCTOBRE
Ben dis donc, il fait pas beau. Il a même plu pendant la nuit, et Doudou a déménagé aussitôt son CC pour ne pas finir embourbé : suspicieux, il est devenu le Doudou…
Qu’il pleuve, ça tombe plutôt bien parce qu’on a de la route à faire. Donc, on roule. Direction Tortosa, et Tortosa c’est pas à côté : journée complète de roulage, avec arrêtage dans les bistrots de village, dégustage des cafés de village, chalandage des marchés de village, et achetage de cochonailles de villages garanties artisanales, genre chorizo.
Et pour le soir on avait visé une aire de camping-cars.
Sûrement qu’on n’en avait jamais vu de près, parce qu’une fois qu’on y est… comment dire… ça fait pas envie… 



Ta fenêtre à 50 cm de celle du voisin, à droite comme à gauche, faut éviter les fayots…


Donc vidanges et remplissages en eau, et on va chercher mieux, ce qu’on trouve finalement.
MARDI 15 OCTOBRE
Route vers Tortosa, suite et fin. Tortosa c’est au bord de l’Ebre, et une ville au bord d’un fleuve c’est toujours beau. Pour arriver à Tortosa, en venant du sud tu longes un magnifique canal, au milieu des orangers et c’est franchement très bien. 


Il se trouve qu’on est à Tortosa parce que la famille de Poupette en est originaire, et qu’il y a quelques papiers à régler suite à la vente d’un bien de famille. 
On est en Espagne, et les boutiques tu peux seulement saliver devant  parce que tout est bouclé jusqu’à 16h30… 
Et si tu te pointes  pour manger à 13h30, tu surprends un peu le cuistot qui rentre juste du marché… C’est l’heure espagnole…
Petite visite de la ville, puis recherche d’un coin pour passer la nuit parce qu’il était prévu de s’installer sur le terrain d’un cousin, mais le CC de Doudou et Poupette nous fait un petit patinage nerveux avec déhanchement vers tout en bas, odeur de slip souillé et de transpiration malsaine, ce qui change un peu les plans…
On plante finalement le camp en bordure du terrain, à porté de voix cependant des pensionnaires d’un élevage de cochons, qui expriment joie ou mécontentement par des grouiquements  parfois dérangeants…
Par extraordinaire, lorsque les grouiques se taisent, une odeur de salaison plane dans l’air ! 

Les dieux de la charcuterie seraient-ils  passés par là ? Que nenni, les grouiques se sont tus parce que la nuit tombait et l’odeur en question est juste celle des caroubiers dont nous sommes entourés ! 
Oui, j’ai découvert que la caroube sent la charcuterie…
MERCREDI 16 OCTOBRE
On se prélasse un peu en ville, terrasse parc et café, pour profiter de Tortosa, ville agréable et temps parfait : soleil chaud et air frais. 
Et Poupette nous fait une séquence nostalgie avec quelques souvenirs d’enfance, tandis qu’un môme intemporel fait s’envoler des pigeons tout aussi intemporels. 
Une image qui pourrait avoir 60 ans, et dont le charme nous rappelle que le temps d’une vie n’est que la durée d’une petite histoire…



Il existe au nord de la ville une voie cyclable tracée sur une ancienne voie ferrée, et ce sera notre activité de l’après midi. 



Un peu magique, parce que l’Ebre la longe, ainsi qu’un canal parfaitement entretenu, parce que tunnels et viaducs se succèdent et que nous sommes pratiquement seuls sur cette piste surgie du passé et aussi intemporelle qu’un envol de pigeons.






 Et l’Ebre. Beau, sauvage, calme et généreux, l’Ebre qui a creusé son lit dans la moraine, formant quelques grottes profondes dont on imagine les occupants, avant l’invention du téléphone portable et de la télé réalité, groupés autour d’un feu, et contemplant le fleuve qui leur apportait tout ce qu’un humain normal peut désirer…




Nous sommes en Catalogne, et le gouvernement indépendantiste autoproclamé quelque mois auparavant voit ses membres jugés et condamnés par la justice espagnole, ce qui réchauffe si bien l’atmosphère qu’une grève générale est décidée pour vendredi, avec blocage total de la province. 
Décision est donc prise d’évacuer les lieux avant la paralysie :  donc demain matin delta de l’Ebre en vélo, douche, et taille la route.
JEUDI 17 OCTOBRE
Le delta de l’Ebre ressemble à la Camargue, en plus mouillé et avec les montagnes derrière.





 
C’est un éco système surprenant, dans lequel tout est sous tendu par l’omniprésence de l’eau. 


 
C’est aussi devenu un lieu touristique, vu le nombre de loueurs de vélos présents sur zone et le nombre de circuits proposés. 
En saison l’endroit doit être blindé de cyclistes attirés par le grand air, les grands paysages et la platitude des routes. 
Fin octobre c’est très cool, et nous ne croiserons personne sur notre chemin.

 


Mais nous abrègerons parce que, premièrement, si c’est très beau c'est aussi très monotone, et deuxièmement parce que la situation en Catalogne est bouillante et que nous craignons des blocages de routes dès ce soir.
Donc vélo, douche, repas dans le resto ouvert qui est sans doute le plus chicos du coin, vu les tarifs appliqués, et départ pour la France. Le gps raconte pile 800 km…

 ...on va se contenter pour aujourd’hui de passer la frontière. On va. On va essayer.
Nos coéquipiers passent sans problème, mais nous, seulement quelques minutes derrière, allons comprendre ce qu’est qu’un blocage de route. 
En l’occurrence c’est l’autoroute qu’on nous fait quitter : une heure coincés avant Barcelone. Bon, on prend la route et on passe au nord, Manresa, beaucoup de kilomètres puis on rattrape l’autoroute direction Girona.

Nouveau blocage, il faut sortir : une heure coincés à Vic. Nous tentons de traverser la ville pour reprendre l’autoroute plus loin. Peine perdue, des camions bloquent les entrées, les flics agitent les bras et se contentent de renvoyer tout le monde sur l’autoroute dans le sens libre… Fine stratégie… 
Il faut le voir pour le croire : des milliers de voitures et de camions, des gens partout un téléphone à l’oreille, la nuit qui tombe là dessus.

Seule solution pour nous, passer par la montagne,  c'est-à-dire le col d’Ares. Mais pour rejoindre cette route, grosse grosse galère. C’est finalement un indigène qui nous guidera par un petit chemin, assez désolé, nous affirmant que le catalan est gentil...
On n’en avait jamais douté, mais on n’avait pas non plus besoin de preuves…

Nous avions discuté avec un cousin de Dolo, Catalan, tendance "modéré". J’avais retenu une chose de cette discussion : le mot "Franco" revient toutes les trente secondes dans les conversations… Lourd, très lourd passé...
Bon, on s’en sort pas mal, on passe le col en pleine nuit et descendons bivouaquer un peu plus bas vu qu’il fait 10° au sommet...

Doudou et Poupette sont déjà installés depuis longtemps à PortBou, juste avant la frontière. 
Ils se la sont coulée douce pendant qu'on galérait, c'est la vie… 
Quelques minutes en plus ou en moins… et tu vois çà…



...ou çà…



VENDREDI 18 OCTOBRE
Arles sur Tech.
Ici on parle français et, après un mois de baragouin et de communication réduite, la sensation est curieuse. Je me surprends à dire "buenos dias" en entrant dans la boulangerie… Pas dérangeant ici puisque tout le monde est bilingue.
Plus loin, dans la région de La Jonquera on voit des milliers de camions stationnés sur l’autoroute, et je plains tous ces chauffeurs bloqués ici pendant maintenant trois jours minimum. Les gars ont tous le téléphone  à l’oreille, patrons, familles, je ne suis pas sûr qu’ils soient ainsi ralliés à la cause indépendantiste…
Dernière anecdote : on roule on roule, on se trouve une petite aire tranquille pour manger un peu, c’est calme, c’est bien et…



Et. Et une voiture arrive, vomissant du rap par toutes ses ouvertures, un ziva casquette à l’envers en sort en braillant. 
Se dirige vers les toilettes en braillant.
Sans doute aussi qu’il pisse en braillant…
Pendant ce temps le conducteur ouvre toutes les portes pour que la terre entière entende sa musique, et prend un air concentré derrière la voiture. 
Le pisseux revient, les portes claquent, la voiture démarre en hurlant.
Ne reste qu’une flaque d’urine à l’emplacement d’une roue arrière, sans doute parce que manquer un seul instant de cette musique pour aller jusqu'aux toilettes aurait nuit à l’équilibre psychologique du conducteur... 
Pas la peine que je te dise que la plaque d’immatriculation portait le numéro... 13… 


J'ai bien aimé le Portugal...

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